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Zoom électoral sur une localité éprouvée
Jeudi matin 8h, à Ahnif, commune située 40 kilomètres à l’est du chef-lieu de wilaya, le centre de vote est animé. Beaucoup de curieux dans la cour de l’école primaire, mais également beaucoup de militants. Ce centre de vote regroupe quatre autres bureaux de vote, dont le plus éloigné est situé à une vingtaine de kilomètres du chef-lieu communal. Il s’agit de celui d’Ighzer Umeziav, localité tristement célèbre pour les attentats commis dans cette région. Le dernier acte terroriste enregistré remonte au sixième jour du ramadan lorsqu’une bombe de fabrication artisanale a littéralement déchiqueté deux éléments de la Garde communale. C’est justement dans ce bureau de vote d’Ighzer Umeziav que nous décidons d’aller prendre la température électorale. Accompagné de Antar et de Farid, deux jeunes militants du FFS nous commençons la route sous une pluie fine et un brouillard intense. «La route est longue» nous prévient-on d’emblée. Qu’importe ! Le panorama vaut le détour même si la route sinueuse est cahoteuse. Des pins à perte de vue et quelques maisonnettes en toub et en dur parsèment le paysage. Après plus d’une demi-heure de route, nous arrivons à Ighil N’ath Ameur, le temps d’une halte au bureau de vote, nous constatons que malgré la pluie, les militants de partis politiques sont mobilisés. 9h, un vieillard non voyant, accompagné par un proche a tenu à faire le déplacement sous la pluie battante pour accomplir son devoir électoral. Il reste encore 10 kilomètres à parcourir pour arriver à notre destination finale. Sur le trajet nos deux accompagnateurs n’arrêtent pas de discuter et de pronostiquer sur leur parti. Toutefois la conversation est entrecoupée par moments pour nous dire que c’est «à cet endroit précis Untel à été abattu dans un faux barrage, c’est ici qu’Untel à été égorgé par des terroristes, ici qu’une patrouille de militaires est tombé dans une embuscade». Bref, rien de bien réjouissant, même si on nous rassure toutefois que l’endroit est sécurisé «normalement». Chose que nous avons pu constater, les éléments de la Garde communale patrouillent sur la longueur du chemin, et la pluie ne semble pas les incommoder outre mesure. Ighzer Umeziav se découvre au détour d’un virage, la route est dégradée. Arrivés devant l’école primaire, la pluie n’a pas cessée. Le chef du bureau de vote nous apprend tout de go que 384 citoyens sont inscrits et que les élections se déroulent dans de bonnes conditions. Dans la cour de l’établissement une effervescence électorale assez particulière. D’emblée Said, un parent d’élève nous apostrophe en apprenant que nous sommes journalistes. «Bienvenue dans l’école oubliée de Benbouzid». Pourtant, sur le fronton de l’établissement en question nous avions lu “Sifouane Ali, un chahid de la région”. Notre interlocuteur en a gros sur le cœur, il nous montre des logements de fonction délabrés, des classes dans un triste état dont une partiellement calcinée. D’ailleurs on devine aisément les traces de fumée noire dissimulées derrière une couche de chaux grasse. Le poêle à mazout vétuste qui chauffait la salle a pris feu lors de l’hiver 2005 – 2006 depuis, cette classe demeure fermée. Un ex-enseignant qui exerçait auparavant dans cette école nous apprend que trois enseignants vacataires et un titulaire font des allers et retours quotidiens en l’absence de logements de fonction pouvant les accueillir, et ce n’est que tout récemment qu’un moyen de transport leur a été octroyé. Parmi les problèmes invoqués pèle-mêle, Said dit que ce n’est que le 15 novembre que les élèves ont pu rejoindre les bancs de leur école et que les enseignants sont obligés de dispenser des cours à deux niveaux différents dans la même salle. Devant notre étonnement, l’e-enseignant révélera que l’école ferme ses portes à 13h et ce jusqu’à aujourd’hui. Chose confirmée par le parent d’élève. L’hadj Mohamed, 80 ans bon pied bon œil se joint à la conversation et nous demande ce que nous pensons de la région. «Ici de 1956 à 1962 c’était une zone interdite, de même durant les années du terrorisme durant lesquelles nous avions fui le village pour y revenir en 2001 avec toutes les garanties pour y vivre dans de bonnes conditions, mais l’APC n’a pas joué son rôle». L’octogénaire nous citera une multitude d’exemples de projets qui n’ont pas vu le jour. «La DSA nous a accordé 50 kilomètres de pistes agricoles pour désenclaver le village, mais entre l’APC d’Ahnif et la DSA de Bouira, 20 kilomètres de pistes se sont évaporées» s’indigne l’Hadj qui continue : «Nous avons une immense superficie d’oliviers plusieurs fois centenaires, mais à défaut de pistes agricoles nous ne pouvons pas faire la cueillette. Comment débarder les olives ? Il existe une mine de sel à ciel ouvert, ce n’est pas pour rien que la région est appelée Tamellaht. Une mine de sel qui peut faire vivre, au bas mot une cinquantaine de famille, sans parler des emplois indirects. Mais là encore aucune piste pour accéder au site.» Les exemples de mauvaise gestion sont nombreux à être cités. Promesses de 70 hectares de plantations d’arbres fruitiers, de ruches, etc. Là encore, que des promesses selon l’hadj. Nous décidons de l’interroger sur sa présence au bureau de vote, il révèle d’un air malicieux : «Je viens pour voir si les futurs élus daignent nous rendre une ultime visite avant leur installation car je sais qu’après je ne les reverrais plus jamais dans la région jusqu’à la prochaine campagne électorale.» Une sentence qui en dit long sur le désespoir de la population d’Ighzer Umeziav, village distant de 6 kilomètres seulement du chef-lieu communal d’Ahl Leqsar «personne n’amènera de changement et la preuve et là, dit il en désignant un château d’eau, cela fait 14 ans que l’ouvrage a été réalisé mais toujours pas d’eau dans les conduites, pourtant il existe une source pas loin ; Ain El Hourra, qui peut être comparée à l’ainsser averkane de Saharidj, les élus à l’APC nous ont toujours négligés.» Nous repartons vers les autres bureaux de vote de Tixerai, Ighil N’ath Ameur et Ighrem, peu d’affluence, mais nos deux militants du FFS qui nous accompagnes se montrent sereins, les troupes sont mobilisées. Combien de localités identiques à Ighzer Umeziav, Ighzer Umencher existe-t-il en Algérie ? Beaucoup trop car sur le chemin du retour, le taux de participation dans ces villages était inférieur à la température ambiante, et pourtant il faisait très froid. A voir les citoyens munis de pelles et de pioches occupés à déboucher les caniveaux afin que les eaux pluviales ne s’infiltrent pas dans leurs demeures, il faut dire que les préoccupations principales n’étaient pas d’ordre électoral. En début de soirée, le verdict est tombé, la commune d’Ahnif est tombée entre les mains du FNA. Un changement en vue peut-être pour les habitants d’Ighzer Umeziav, mais ces derniers blasés, font plus confiance à la grâce divine. Hafidh Bessaoudi |
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